Numéro |
2010
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Numéro d'article | 002 | |
Nombre de pages | 11 | |
Section | Conférence plénière | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cmlf/2010265 | |
Publié en ligne | 12 juillet 2010 |
Variations sur un thème unique : les pratiques de la langue française de 1790 à 1960 au sein de l’Église Catholique Romaine en Louisiane
Louisiana State University, Center for French Studies, 425 Hodges Hall, Baton Rouge, LA LA 70803, USA
Contact : sdubois@lsu.edu
Notre communication présente quelques aspects du travail de la conférencière et de son équipe sur les changements intergénérationnels et les pratiques sociales des communautés francophones et anglophones dans le sud de la Louisiane. Nous avons souvent éprouvé de la frustration face à l’absence de données empiriques sur les premiers changements de langue en Louisiane. Paradoxalement, c’est un événement dramatique qui a favorisé l’évolution de nos recherches : à la suite de l’ouragan Katrina, qui a inondé la Nouvelle-Orléans à la fin du mois d’août 2005, les documents religieux et cléricaux de la collection de l’Archevêché de la Nouvelle-Orléans ont été temporairement déplacés vers le Diocèse de Bâton-Rouge. Avec l’aide des archivistes du Diocèse, nous avons répertorié et étudié cette collection inexploitée de documents administratifs, de registres sacramentels et de lettres personnelles écrites entre 1803 et 1859 par la population locale, laïque et religieuse, des paroisses de Louisiane aux évêques de la Nouvelle-Orléans. L’accès à la correspondance de la période Antebellum (lettres personnelles écrites avant la Guerre civile), une des plus importantes en son genre en Amérique du Nord, nous a permis de recenser et d’analyser plus de 9000 lettres écrites en français et en anglais. C’est le résultat de cette recherche qui sera présenté. Nous démontrons que la Louisiane a connu une période de bilinguisme au 19e siècle, et que le stéréotype selon lequel l’anglais aurait « chassé » le français a besoin d’être considérablement nuancé. En fait, pendant plus d’un siècle, l’Église catholique louisianaise a adopté une politique non-officielle de bilinguisme illustrée par des rapports administratifs écrits en français et en anglais. Ce laissez-faire et cette politique linguistique accommodante à l’intérieur de l’administration de l’Archevêché contrastent considérablement avec ce qui est advenu au niveau du gouvernement de l’État, où la politique de « l’anglais seulement » a été déterminée par décrets (cf. la Constitution de l’État de la Louisiane, 1868 et 1921). La source du changement langagier à l’intérieur de l’Église catholique louisianaise est à rechercher dans la migration massive de catholiques irlandais, qui ont défié la tradition louisianaise de la messe en français. Ils ont aussi exigé des registres sacramentels écrit en anglais plutôt qu’en français ou en latin. En passant plus tard à l’anglais et en nommant des prêtres d’une origine autre que francophone à des positions clés dans les diocèses, l’administration de l’Archevêché a accentué un changement déjà en place dans les paroisses, un changement fortement lié à plusieurs évènements socio-historiques. Le sort du bilinguisme a été scellé par des contraintes socio-géographiques, sociales et attitudinales à leur apogée au tournant du 20e siècle, notamment en ce qui concerne le changement majeur dans les centres urbains au début de la période anticatholique.
Abstract
This paper expounds some aspects of our research project on the intergenerational changes and social practices of the Francophone and Anglophone communities in south Louisiana. We have often experienced frustration at the lack of empirical data on the first language changes in Louisiana. Paradoxically, a tragic event improved the progress of our research. Following Hurricane Katrina, which flooded New Orleans in late August 2005, the religious and clerical archives at the Archdiocese of New Orleans were temporarily transferred to the Diocese of Baton Rouge. With the help of diocesan archivists, we recorded and studied this unexamined collection of administrative documents, sacramental registers, and personal letters. These documents were written in Louisiana parishes and sent to the Archbishops of New Orleans between 1803 and 1859 by the local, lay, and religious population. Access to correspondence from the ante-bellum period (personal letters written before the Civil War), one of the most important in its genre in North America, allowed us to compile a list and to analyze more than 9,000 letters written in French and English. The findings of this research will be presented. We will demonstrate how Louisiana experienced a period of bilingualism in the nineteenth century, and that the stereotype suggesting that English “drove out” French needs to be considerably qualified. In fact, for more than a century, the Louisiana Catholic Church adopted a non-official policy of bilingualism illustrated by administrative reports written in both French and English. This laissez-faire and accommodating linguistic policy inside the archdiocese administration contrasted considerably with the “English only” policy that would become official state law (the Louisiana State Constitution, 1868 and 1921). The source of language change within the Louisiana Catholic Church is to be found in the massive migration of Irish Catholics who challenged the Louisiana tradition of sermons in French in Louisiana Catholic churches. They also requested sacramental registers written in English more than in French or in Latin. When the Archdiocese of New Orleans began switching to English and naming non-Francophone priests to key positions in the archdiocese, it accentuated a change already in place in the parishes—a change strongly tied to several socio-historic events. The fate of bilingualism was sealed by socio-geographic, social, and attitudinal constraints at their peak at the turn of the twentieth century, notably in respect to the major changes in urban centers at the beginning of the anti-Catholic period.
© Owned by the authors, published by EDP Sciences, 2010