Numéro |
2010
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Numéro d'article | 127 | |
Nombre de pages | 15 | |
Section | Sociolinguistique et écologie des langues | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cmlf/2010234 | |
Publié en ligne | 12 juillet 2010 |
Comment nommer les « Cajuns » ? Re-dénomination ethnonymique, production de sens et d'identité en Louisiane francophone
Université Paul Valéry - Montpellier III, Route de Mende, 34199 Montpellier Cedex 5, France
Contact : marc.gonzalez@univ-montp3.fr
Mon étude se focalisera sur un acte de re-dénomination essentiel, celui de donner un nouveau nom propre à un peuple en situation minoritaire dont le nom communautaire, l’ethnonyme, a la surprenante particularité de fluctuer considérablement, c’est-à-dire de changer de forme orthographique, de signifiant et en l’occurrence de sens référentiel. Cette communauté francophone de Louisiane qu’il faut pourtant bien nommer pour en parler est désignée par un paradigme ethnonymique d’une vingtaine de variantes orthographiques qui peut se réduire à quatre séries concurrentes : Cajun, Cadien, Acadien, Cadjin puis à la paire ethnonymique Cajun/Cadien. C'est cet « objet problématique » que nous examinerons en tant que l’ethnonyme constitue un « patrimoine » (patrimonium, l' « héritage du père ») à recueillir et à transmettre tel un bien collectif symbolique qui de fait en Louisiane au lieu de rassembler sous une seule dénomination semble opérer une division et une confusion par ses multiples et "contradictoires" dé-nominations. Ce processus de redénomination ethnonymique est certes légitime dans le contexte d’étiolement ethnolinguistique et culturel mais ce que je voudrais tenter de montrer, c'est que ce Babel nominatif , cette « dystropie ethnonymique » est le double « prix » métapsychologique et sociologique à payer pour cette opération stratégique de redénomination, d’ « imposition » d’un nouveau signifiant, de « forçage symbolique » car le nom propre doit être à la fois un désignateur référentiel, un désignant de reconnaissance communautaire, identitaire, et également, c'est ce que j'avance, un signifiant subjectivé qui appartient à ce que Jacques Lacan nomme « lalangue », enfouie, archaïque, parlant le sujet de l'inconscient et du désir. C’est par une opération de subjectivation que le sujet cajun/cadjin pourrait s’identifier comme sujet cadien et ce processus est aujourd’hui dynamisé en Louisiane par la renaissance d’une écriture poétique qui promeut Cadien dans un dispositif d’énonciation inter-subjective chargé d’affects.
© Owned by the authors, published by EDP Sciences, 2010