Numéro |
2010
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Numéro d'article | 115 | |
Nombre de pages | 14 | |
Section | Sémantique | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cmlf/2010089 | |
Publié en ligne | 12 juillet 2010 |
Nominalisations statives et transfert aspectuel : quel héritage sémantique ?*
1
Université Paris Diderot - Paris 7, 7 rue Watt, 75013 paris, France
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Université Paris Diderot - Paris 7, 10 rue charles V, 75004 paris, France
Contact : rhuyghe@eila.univ-paris-diderot.fr
Parmi les noms dérivés statifs, certains semblent avoir des corrélats morphologiques dans le domaine verbal (e.g. possession-posséder, admiration-admirer, énervement-énerver, amusement-amuser). Les verbes qui leur sont apparentés ne sont pas systématiquement statifs : si un ensemble restreint de noms dérivés peuvent être associés à des verbes statifs, la plupart des nominalisations ont pour corrélats des verbes dynamiques (verbes d’activité ou d’accomplissement). L’étude des noms dérivés statifs doit alors déterminer si les nominalisations en question sont déadjectivales, leurs propriétés aspectuelles étant directement héritées d’un participe passé adjectival, ou s’il est possible de postuler une dérivation déverbale, hypothèse qui implique un changement de catégorie aspectuelle. Des considérations morphologiques (productivité du schéma dérivationnel, restrictions de sélection imposées par les suffixes) mènent à postuler qu’un ensemble de noms statifs, en particulier les noms suffixés par -ment et -(t)ion, sont dérivés de verbes dynamiques, et non d’adjectifs.L’hypothèse d’une dérivation déverbale n’est pas souvent envisagée, certainement en raison de ses implications sémantiques. En effet, elle remet en question l’hypothèse d’une préservation des propriétés aspectuelles, lors du passage du verbe au nom. Si un décalage aspectuel est postulé, comment l’expliquer, et comment peut-on rendre compte du fait que tout verbe dynamique ne peut être associé à une nominalisation stative ? En d’autres termes, il est nécessaire de déterminer les contraintes auxquelles obéit le transfert aspectuel. L’hypothèse avancée est qu’un nom statif peut être dérivé d’un verbe dynamique dès lors qu’un trait statif est présent, et saillant, dans l’entrée lexicale du verbe initial — un argument du prédicat pouvant aisément être conçu comme un expérienceur. L’examen des différents noms statifs dérivés de verbes dynamiques nous mène à conclure que les propriétés aspectuelles des noms ne divergent pas complètement de celles des verbes.
Cette étude prolonge un ensemble de travaux consacrés à l’héritage aspectuel des noms déverbaux en français (Huyghe & Marín, 2007, Haas et al., 2008, Barque et al., 2009, Haas & Huyghe, à paraître). Elle s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche portant sur l’analyse sémantique des nominalisations — projet Jeunes Chercheurs NOMAGE (ANR-07-JCJC-0085-01). Le travail présenté ici a bénéficié des commentaires de P. Haas, R. Marín, L. Barque et D. Amiot, que nous remercions.
© Owned by the authors, published by EDP Sciences, 2010