Numéro |
2010
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Numéro d'article | 066 | |
Nombre de pages | 17 | |
Section | Lexique et morphologie | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cmlf/2010192 | |
Publié en ligne | 12 juillet 2010 |
Les noms de propriété adjectivale en -eur et -esse : un modèle évolutif original
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Dans une langue donnée, certaines constructions peuvent être réalisées par plusieurs procédés concurrents. C’est le cas par exemple des nominalisations à partir d’adjectifs (e.g. blancheur, banalité, tendresse, promptitude, bêtise, etc.). Si toutes peuvent construire le sens calculable « qualité de ce qui est Adj », toutes ne sont pas équivalentes sur le plan de la productivité. En effet, si –ité est la forme la plus répandue (715 noms enregistrés dans le TLF), les noms de qualité en –eur et –esse sont rares (respectivement 45 et 39 noms dans TLF). Nous proposons de traiter ces deux dernières suffixations, qui ne semblent plus disponibles à l’heure actuelle, afin de déterminer les causes liées à cette perte de vitalité. Cette étude s’organise en trois parties. La première offre une analyse synchronique, sémantique et formelle, des suffixations en –eur et –esse. Les données lexicographiques peu nombreuses conduisent à rechercher de nouveaux lexèmes sur la Toile pour vérifier nos résultats. L’analyse de ces nouveaux noms n’étant pas plus satisfaisante (33 nouveaux noms en –eur et 96 noms en –esse répondant souvent à des besoins énonciatifs), la seconde partie fait appel aux données historiques. La perspective diachronique retrace les origines latines de ces règles ainsi que leur évolution en français. Le résultat de cet examen nous apprend que leur nombre était plus élevé en ancien et moyen français mais que la rédaction en vers rendait courante la construction d’un doublon qui satisfasse à la rime. La plupart de ces constructions furent éliminées aux seizième et dix-septième siècles au profit de formes construites par une règle concurrente (-té ou –ité en général). La troisième partie fait l’étude de la fréquence de ces noms comparativement à celle des noms en –ité. Il apparait que ces noms ont une fréquence aussi élevée que les noms en –ité, ce qui explique leur résistance aux règles concurrentes. Cette étude se base sur un corpus de 306 formes pour l’ancien français (Tobler-Lommatzsch), 272 formes pour le moyen français (Dictionnaire du Moyen Français), 84 formes pour le français contemporain (Trésor de la Langue Française) et 129 nouvelles formes recueillies automatiquement sur la Toile (soit 791 formes au total). Ces données sont systématiquement étudiées en contexte grâce à des bases de données textuelles (Textes de Français Ancien, Frantext et Le Monde 1999) ou à la Toile pour l’étude des formes nouvelles, ce qui permet de mettre à jour les besoins auxquels répondent ces formations.
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