Numéro |
2010
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Numéro d'article | 015 | |
Nombre de pages | 15 | |
Section | Diachronie | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cmlf/2010126 | |
Publié en ligne | 12 juillet 2010 |
Les structures temporelles en à peine : évolution diachronique et fonctionnement syntaxique
Université de Neuchâtel, Ruelle Vaucher 22, 2000 Neuchâtel, Suisse
Contact : frederic.gachet@unine.ch
Cette étude s’intéresse à un ensemble de structures basées sur l’adverbial à peine, mettant deux propositions dans un rapport sémantique de ``télescopage'' temporel : (1) A peine un prix est-il décerné qu’aussitôt on fourbit ses armes pour le prochain combat. [Blondin, 1982] (2) A peine a-t-il saisi la barre, et déjà nous sentons le navire qui se redresse et prend le vent. [Mauriac, 1944] Ces structures manifestent plusieurs façons d’introduire la deuxième proposition : celle-ci peut être précédée de que (1) ou de et (2), et peut également être simplement juxtaposée, à droite ou à gauche. La diachronie de ces structures est mal connue ; de même leur statut syntaxique. En s’appuyant sur l’idée que l’élaboration de la phrase complexe se fait diachroniquement par passage de structures parataxiques à des structures hypotaxiques, on pense généralement que la structure ‘à peine P1 que P2’ (1) serait issue d’une ritualisation des structures parataxiques ‘à peine P1, P2’ et ‘à peine P1 et P2’ (2). Notre étude tend à montrer au contraire que la structure ‘à peine P1 que P2’ est la première en date et que les structures ‘à peine P1, P2’ et ‘à peine P1 et P2’ sont apparues plus tard en coordonnant ou en juxtaposant des propositions reliées par le même rapport sémantique. L’origine et l’évolution de ‘à peine P1 que P2’ fournit la matière de la majeure partie de l’étude. Nous cherchons à montrer que cette structure doit son apparition à l’intégration de à peine dans une structure négative exprimant également un télescopage temporel : (3) Le dîner n’était pas fini que là, sous les yeux de ma mère, nous nous mettions de nouveau à jouer. [internet] C’est l’orientation argumentative négative de à peine [Ducrot 1972] qui lui permet de se substituer à la négation. L’étude retrace l’évolution diachronique de la structure illustrée en (3) pour montrer comment à peine a pu s’y intégrer. En observant dans une vision synthétique la diachronie, la coexistence synchronique et les fonctionnements syntaxiques des structures en à peine (sans oublier leurs variantes en à peine que), on peut arriver à l’hypothèse d’une régularité émergeant de ce système de structures, dont l’évolution donne par ailleurs une bonne illustration d’un changement linguistique dû à l’« analogie », telle que la concevait Saussure.
© Owned by the authors, published by EDP Sciences, 2010