Numéro |
2010
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Numéro d'article | 096 | |
Nombre de pages | 15 | |
Section | Psycholinguistique et acquisition | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cmlf/2010257 | |
Publié en ligne | 12 juillet 2010 |
L’acquisition de l’accord sujet-verbe par les jeunes francophones natifs entre 14 et 30 mois : préférence, compréhension, et environnement linguistique*
1
Brooklyn College/CUNY, 2900 Bedford Avenue, Boylan 4400A, Brooklyn, NY 11210, USA
2
John Hopkins University, 3400 North Charles Street, Room 237 Krieger Hall, Baltimore, MD 21218, USA
3
Universite Rene Descartes/CNRS, 45, rue des Saints-Pères, 75006 Paris, France, Metropolitan
4
CUNY Graduate Center, 365 Fifth Avenue, New York, NY 10016-4309, USA
Contact : isabelle.barriere@gmail.com
Le but de cette étude est de contribuer au débat actuel sur la nature des représentations morphosyntaxiques chez les jeunes enfants qui oppose deux hypothèses. D’un côté, les approches dites « lexicalistes » ou « constructivistes » proposent que le jeune enfant est sensible aux structures qu’il entend fréquemment et que les premières constructions qu’il représente se fondent sur des combinaisons d’éléments linguistiques spécifiques- y compris des combinaison de mots et de marques fléchies. En revanche, les théories génératives accordent un moindre rôle à l’environnement linguistique et souligne l’importance des capacités des jeunes enfants à former des représentations morphosyntaxiques abstraites qui ne reflètent pas systématiquement la fréquences de combinaisons dans l’environnement linguistique et qui s’appliquent aux catégories lexicales (e.g. Nom, Verbe etc) et ne se limitent pas aux mots familiers. L’analyse des la production spontanée des jeunes enfants est la méthode traditionnelle qui a été la plus souvent employée afin de tester ces hypothèses. L’étude présentée ci-dessous teste les deux hypothèses au cœur du débat actuel en employant deux autres approches expérimentales complémentaires – le Head Turn Paradigme et le Paradigme Intermodal du Regard Préférentiel- qui permettent d’étudier la préférence et la compréhension de l’accord sujet-verbe chez les francophones natifs entre 14 et 30 mois. Les données obtenus sur 88 enfants entre 14 et 30 mois ont été analysés. Les verbes et les constructions utilisées dans les expériences font aussi l’objet d’ analyses quantitative détaillées du langage auquel les jeunes enfants sont exposés. Ces analyses ont porté sur un nombre total de 54,000 énoncés. Ces trois sources de données sur la préférence et la compréhension de l’accord chez les jeunes enfants et les propriétés de l’environnement linguistique nous permettent de contribuer au débat actuel sur la nature des représentations morphosyntaxiques précoces. Les résultats des trois études révèlent a) que les francophones de 18 mois préfèrent les constructions grammaticales qui mettent en jeu un Syntagme Nominal et un verbe irrégulier à la troisième personne du singulier et du pluriel, b) qu’à 30 mois les enfants comprennent les constructions qui contiennent un sujet clitique de la troisième personne et un verbe qui commence par une voyelle, au singulier et au pluriel et c) que ces deux résultats ne reflètent pas directement les énoncés auxquels les enfants sont exposés dans lesquelles les formes et les constructions testés ne sont pas fréquentes et qui révèlent une asymétrie importante entre le singulier et le pluriel. Ces résultats ne semblent pas compatibles avec les hypothèses dites « lexicalistes » ou « constructivistes » selon lesquelles les performances des enfants de ces âges devraient refléter les combinaisons et les formes fréquentes dans l’environnement linguistique. Cette étude nous a permis de mieux cerner les capacités morposyntaxiques du jeune enfant. Les données de préférence sont compatibles avec celles publiées sur l’anglais et l’allemand mais notre étude apporte une contribution supplémentaire car les formes utilisés dans notre expérience ne sont pas régulières. D’autre part les résultats de notre étude de compréhension contrastent avec ceux publiés sur l’anglais et l’espagnol : les enfants semblent comprendre le contraste entre le singulier et le pluriel lorsqu’il met en jeu un seul indice à un âge beaucoup plus précoce que les études précédentes ne le suggèrent.
© Owned by the authors, published by EDP Sciences, 2010