Numéro |
2010
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Numéro d'article | 148 | |
Nombre de pages | 13 | |
Section | Syntaxe | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cmlf/2010064 | |
Publié en ligne | 12 juillet 2010 |
‘C’est rire qu’il riait’, ou l’extraction du prédicat par clivage en français régional antillais
Université de Paris-Sorbonne (Paris IV), 1 rue Victor Cousin, 75005 Paris, France
Contact : andre.thibault@paris-sorbonne.fr
Depuis quelques années, le français régional antillais (= F.R.A.) commence à susciter l’intérêt des chercheurs. On dispose depuis peu de bonnes descriptions de la situation sociolinguistique antillaise, mais aussi de quelques articles et monographies sur les aspects phonétiques, morphosyntaxiques et lexicaux de cette variété de français; cela dit, beaucoup de travail reste à faire pour parvenir à une caractérisation satisfaisante de ce régiolecte. La présente contribution vise à présenter une construction syntaxique typique du F.R.A. – probablement due au contact avec le créole – que l’on peut appeler "extraction du prédicat par clivage" et qui ne semble attestée pour l’instant nulle part ailleurs sous cette forme en francophonie. Nous avons relevé un bon nombre d’attestations du phénomène dans des ouvrages littéraires antillais (cf. à titre d’exemple: "Ce serait un miracle si vous viviez, mais c’est mourir que vous mourrez lentement." J. Roumain, Gouverneurs de la Rosée; "Mais la plupart n’y regardaient pas de si près et c’est démener qu’ils se démenaient comme des furieux […]." S. Schwarz-Bart, Ti-Jean l’Horizon ; "C’est réclamer qu’il réclamait !…" P. Chamoiseau, À bout d’enfance). La particularité de cette extraction est qu’elle permet de mettre en relief la forme verbale "nue", les arguments et compléments n’apparaissant qu’aux côtés de la seconde forme verbale (celle qui est reprise). Une telle procédure de topicalisation n’est pas possible sous cette forme en français "normé", l’extraction avec "c’est qui/que" étant limitée aux arguments et compléments. Il faut mentionner en outre que, des deux valeurs que la construction affiche en créole (contrastive et intensive), une seule semble attestée en F.R.A. (l’intensive). Enfin, l’existence de deux types de traitement possibles de la morphologie du verbe extrait ("c’est frappe que je frappe" et "c’est frapper que je frappe") montre que la syntaxe du F.R.A. ne peut évidemment pas être considérée comme un simple décalque de celle du créole et qu’elle jouit d’un fonctionnement qui lui est propre.
© Owned by the authors, published by EDP Sciences, 2010