Numéro |
CMLF 2008
2008
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Numéro d'article | 127 | |
Nombre de pages | 13 | |
Section | Linguistique du texte et de lécrit, stylistique | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cmlf08203 | |
Publié en ligne | 9 juillet 2008 |
DOI: 10.1051/cmlf08203
Modes impersonnels et énonciation poétique
V. Magri-Mourgues magri@unice.frPublié en ligne le 9 juillet 2008
Résumé
Létude se propose de voir, dune part, comment les particularités morpho-syntaxiques des modes impersonnels sont exploitées par le discours poétique et, symétriquement, de découvrir ce quen révèle le discours poétique. Formulé autrement, on peut se demander si, utilisés en contexte poétique, ces modes connaissent des particularités demploi. Lexploitation stylistique de leurs potentialités linguistiques, modulables par interaction avec les autres composantes spécifiques de lécriture poétique, est au cur de ce travail. Létude permet de réfléchir ainsi à larticulation de la grammaire - en particulier la morpho-syntaxe - et de la poétique ; elle évalue la tension qui sétablit entre la langue et les contraintes poétiques.
À partir dexemples extraits des Tableaux parisiens de Baudelaire, on montrera que cette tension se réalise dabord entre les unités métriques et les unités syntaxiques, les schémas métriques contraignant à une distribution linéaire réglée des mots ; les frontières métriques - hémistiches, fin de vers ou fin de strophes - redessinent le discours en contribuant à sa signifiance.
Les études statistiques ont constaté par ailleurs que la poésie a des affinités avec le nom. Est-il dès lors naturel que la poésie attire aussi les modes impersonnels du verbe et en particulier linfinitif, dite forme nominale du verbe ? Il est nécessaire de définir linfinitif comme une forme de nominalisation graduelle, depuis ses emplois comme substitut de formes verbales conjuguées, lorsquil sert de pivot à une proposition, jusquaux emplois substantivés de linfinitif, par le biais de la conversion, en passant par les cas où linfinitif a le statut de régi, occupant diverses fonctions syntaxiques, tout en conservant encore sa capacité verbale rectrice. La vocation à labstraction temporelle des formes impersonnelles du verbe les rend-elle aptes à participer au processus de nominalisation poétique ?
Alors quelles sont inadéquates pour ancrer un procès dans la chronologie et quelles sont dotées de la faculté déluder lagent du procès, les formes verbales impersonnelles jouissent par là même dune plasticité syntaxique qui les rend propices à établir une connexion entre abstraction, généricité et lyrisme ; elles interviennent notamment dans larticulation entre le particulier et luniversel - qui peut être donnée comme définitoire de la poésie lyrique et qui entraîne le discours sur la voie de la fictionnalisation.
© Institut de Linguistique Française 2008