Numéro |
CMLF 2008
2008
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Numéro d'article | 172 | |
Nombre de pages | 9 | |
Section | Sémantique | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cmlf08311 | |
Publié en ligne | 9 juillet 2008 |
DOI: 10.1051/cmlf08311
La métalangue sémantique naturelle et la lutte contre le syndrome du franchissement du gué
B. Peeters Bert.Peeters@humn.mq.edu.auPublié en ligne le 9 juillet 2008
Résumé
La plupart des spécialistes de linterculturel souffrent du syndrome du franchissement du gué : ils continuent de sauter dune pierre à lautre, sans jamais tomber à leau, mais ils oublient de franchir la rivière (Kleiber 2001). Ils se proposent dexpliciter ce qui est culturellement spécifique sans toutefois arriver à ce qui devrait être lobjectif ultime : une description où spécialistes et non-spécialistes, locuteurs natifs et non natifs se retrouvent. Le moyen de réaliser une telle description existe. Il consiste à recourir à la métalangue sémantique naturelle (MSN), dont le lexique et la grammaire assurent la neutralité culturelle et donc luniversalité. À titre dillustration, je cite les explicitations sémantiques proposées dernièrement pour le mot Schadenfreude, mot allemand omis de la plupart des dictionnaires français, mais relativement fréquent (notamment dans le discours journalistique). Je compare ces explicitations aux définitions dun nombre de journalistes francophones et montre ce quelles ont dapproximatif. Pour aller au-delà, il faut recourir à ce qui est universel, car seul ce qui est universel est universellement intelligible et garantit que tout le monde attribue à un terme culturellement spécifique tel que Schadenfreude la même définition, à savoir celle quy donnent
les Allemands. Cest là que la MSN présente un incomparable avantage : ses paraphrases sont longues, certes, mais elles sont immédiatement intelligibles, car formulées de sorte à être immédiatement, et sans risque de détournement sémantique, traduisibles dans toutes les langues du monde. Ce qui permet aux promoteurs de la MSN davancer cette thèse, cest le fait que les explicitations mobilisent des primitifs sémantiques, cest-à-dire des universaux du lexique qui sont en outre maximalement simples du point de vue sémantique, et une grammaire qui est aussi universelle que les primitifs. Cest grâce à des enquêtes empiriques sur des dizaines de langues typologiquement très différentes que Wierzbicka et ses collaborateurs ont su construire un lexique et une grammaire qui peuvent prétendre à luniversalité. Cependant, parmi les spécialistes du français, la MSN ne connaît pas encore la renommée dont elle jouit ailleurs. Cest à ceux pour qui la notion dune « métalangue sémantique naturelle » névoque absolument rien et à ceux qui ont besoin dune mise à jour que je madresse. Je voudrais que, dans leurs efforts de franchir le gué, ils continuent à sauter dune pierre à une autre, sans jamais tomber à leau, mais aussi sans perdre lautre rive de vue.
© Institut de Linguistique Française 2008