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Volume 1, 2012
3e Congrès Mondial de Linguistique Française
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Page(s) | 1387 - 1405 | |
Section | Morphologie | |
DOI | https://doi.org/10.1051/shsconf/20120100121 | |
Publié en ligne | 5 juillet 2012 |
Tous les déverbaux en -at sont-ils des conversions du thème 13 ?
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Université Toulouse-Le Mirail, Le Péloy, Estantens, 31600 Muret, France
2
CLVA, 22, allée de Montcalm, 31520 Ramonville, France
* contact : mroche@univ-tlse2.fr
Parmi les différentes formes que peut prendre le radical d’un lexème verbal, un « thème caché », caractérisé par la finale /at/ dans les verbes réguliers, n’apparaît pas dans la flexion mais sert de base à la suffixation dite « savante » (e.g. ALTERNER → alternat-if). Kerleroux (2007) a montré que ce thème peut être sélectionné par la conversion V → N (ALTERNER → alternat) et en tire la conclusion qu’il n’y a pas d’autre suffixe ¬at que celui de consulat. Un examen sémantique des déverbaux en -at, cependant, montre que la majorité d’entre eux sont des résultatifs, caractère qui les rapproche davantage des participes passés nominalisés que des noms processifs proprement dits, non marqués aspectuellement. Les déverbaux empruntés au latin, dont les dérivés formés en français sont les continuateurs, résultent de deux modèles dérivationnels distincts : la suffixation en -us, -ūs, qui donne des noms processifs ; la nominalisation des participes passés en -us/-um, -i, qui donne des résultatifs. La disparition de la déclinaison et le traitement de la finale ont fait disparaître en français, sur le plan formel, les différences entre les deux séries dérivationnelles. Il n’en reste pas moins que la forme en -at est pour les uns, devenus des convers, le thème 13, pour les autres une forme supplétive de participe passé. Sur le plan sémantique, d’autre part, la propension des « noms d’action » à désigner aussi le « résultat de l’action » multiplie les interférences entre les deux séries. De sorte que, non distinguées par leurs finales, elles ont tendance à se confondre. Le lexique contient par ailleurs un certain nombre de dénominaux en -at, dont les uns – le type aoûtat – se rattachent à la famille des évaluatifs en /t/ tandis que les autres – le type orgeat – ont les mêmes caractéristiques sémantiques que les déverbaux résultatifs et les dénominaux en -é(e) ou en -ade. Il y a donc non pas un mais trois suffixes -at en français. Parmi les déverbaux en -at eux-mêmes, certains ressemblent davantage à des dérivés suffixaux qu’à des convers. Mais l’essentiel n’est pas dans l’étiquetage de telle ou telle forme comme suffixale ou non, plutôt dans l’observation d’une dynamique lexicale qui étend à des bases nominales une série dérivationnelle d’abord déverbale, dégage par réanalyse une finale qui devient suffixe, brasse et rebrasse les séries, sous-séries et super-séries à partir de rapprochements formels ou sémantiques.
© aux auteurs, publié par EDP Sciences, 2012