Numéro |
2010
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Numéro d'article | 023 | |
Nombre de pages | 10 | |
Section | Diachronie | |
DOI | https://doi.org/10.1051/cmlf/2010171 | |
Publié en ligne | 12 juillet 2010 |
Ha! Dex, voirement ai ge trop vescu : description sémantique et évolution de voirement en français (XIIe-XVIIIe siècle)*
Universidad Complutense de Madrid, Facultad de Filología D, 28040 Madrid, Espagne
Contact : arsomol@filol.ucm.es
Nous étudions ici le fonctionnement de l’adverbe modal épistémique voirement depuis l’ancien français jusqu’à sa disparition à partir du XVIIe siècle. Nous donnons d’abord une description sémantique et énonciative des différents emplois de voirement en français médiéval pour étudier par la suite l’évolution du marqueur en français préclassique et classique. Voirement est employé couramment dans la langue standard jusqu’en 1630 environ, époque à laquelle il passe dans la langue populaire ou régionale. Il disparaît définitivement, d’après ce qu’indique Frantext, au cours de la première moitié du XVIIIe siècle. Voirement marque un jugement de vérité qui est à attribuer à un locuteur ou à une instance énonciative. Son rôle est d’assurer la vérité de l’assertion sur laquelle il porte en s’appuyant sur l’expérience personnelle, la croyance subjective du locuteur. En français médiéval, voirement ne fonctionne pas en emploi absolu. Il porte sur un énoncé p dont il garantit la vérité. Dans une perspective diachronique, le marqueur apparaît de plus en plus dans des contextes confirmatifs. L’énoncé p dont la vérité est renforcée par voirement porte sur du déjà dit. Il reprend littéralement ou reformule des propos antérieurs tenus par l’allocutaire ou par le locuteur même. Voirement évolue également vers une valeur polyphonique. Il devient ainsi un marqueur de réexamen: il présente p comme le résultat d’une réflexion. Il marque l’accord, après une délibération, avec un point de vue préalable du locuteur. La valeur sémantique de voirement est assez stable en diachronie. Il développe cependant en français préclassique des emplois nouveaux, notamment sous l’influence de voire. C’est ainsi qu’il peut porter sur la reprise d’un adjectif ou d’un nom. Il peut aussi répondre par lui-même à une interrogation, avec une valeur pleinement confirmative. La disparition de voirement est liée à un changement de niveau de langue. Le phénomène est le même pour voire ou pour les expressions de type c’est mon, ce fait mon, ce a mon, marquant une confirmation forte. C’est le passage de ces expressions dans la langue populaire qui finit par entraîner leur disparition. On pourrait voir là une tendance générale dans l’évolution du français.
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